L’exposition « Inventaires d’une collection » à la Galerie de l’UQAM

Lucie Robert

Photo 1, par Nicole Carignan

Nous étions une vingtaine, ce jeudi 16 janvier, à avoir répondu favorablement à l’invitation de l’APR-UQAM de visiter l’exposition Inventaires d’une collection à la Galerie de l’UQAM. Nous recevaient Louise Déry, la directrice, Léa Lanthier-Lapierre, responsable de la médiation et des communications, et Marie Fraser, professeure et conservatrice, représentant un collectif de chercheuses et de chercheurs qui s’intéressent à l’histoire des collections d’œuvres d’art et à l’usage que les institutions en font.

Déjà, par son titre même, l’exposition déroute, car elle expose les inventaires de la collection de l’UQAM plutôt que les œuvres elles-mêmes, bien que quelques œuvres viennent ici illustrer ces inventaires. Quel intérêt peut-il y avoir à exposer ces listes et ces fichiers ? D’abord, évidemment, faire comprendre ce qu’est la collection de l’UQAM. Combien d’œuvres ? Il y en aurait près de 4000. Quelles sont ces œuvres ? Où se trouvent-elles ? À la Galerie, peut-on croire, oui, mais aussi dans certains bureaux ou salles de réunion, à la bibliothèque, parfois nulle part, et on craint que quelques-unes aient été perdues. Comment ces œuvres ont-elles été acquises ? La Galerie n’a pas de budget d’acquisition et sa collection n’est constituée que par des dons.

Photo 5, par Richard Bourhis

Ce que ces inventaires révèlent ainsi, c’est une histoire qui nous fait remonter à l’École des Beaux-Arts, fondée en 1922, intégrée à l’UQAM en 1968, avec sa propre collection, qui comprenait des copies de sculptures françaises destinées à l’enseignement, mais aussi des œuvres produites par les professeurs et les élèves. L’inventaire de la première collection de l’École des Beaux-Arts manque dans l’exposition et les commissaires ont dû se rabattre sur les archives, photographies, illustrations, témoignages pour reconstituer cette collection fondatrice. Cela rappelle le projet de créer à Montréal un musée de référence à l’art français, qui ne verra jamais le jour, mais laissera tout de même quelques œuvres à la postérité, dont un lion en pierre offert par le gouvernement égyptien.

Chacun des dix inventaires exposés révèle quelque chose de la « vie tumultueuse » (l’expression est celle des commissaires) des collections. Négligence, indifférence, déménagements successifs, grèves étudiantes ont laissé des traces. Des œuvres ont été mangées par les termites, d’autres sont incomplètes, certaines ne sont pas signées et, par conséquent, impossibles à identifier, quelques-unes sont introuvables. Des inventaires, dont certains ont subi le même sort, adoptent diverses formes : listes manuscrites ou tapuscrites annotées à la main à l’encre bleue ou rouge, photographies anciennes ou en couleurs, diapositives, fiches de formats variés. Il existe également un Inventaire des œuvres disparues (Inventaire no 7) et l’exposition met en valeur un Inventaire de la « Petite collection », série d’objets de tout petit format (Inventaire no 10). Le 9e inventaire est le premier qui soit complet, mais il est aussi le dernier qui repose sur une base matérielle. Les inventaires suivants sont dématérialisés et n’existent plus que sous la forme de banques de données. 

Photo 6, par Richard Bourhis

Autour des inventaires sont exposées des œuvres réalisées par celles et ceux qui ont enseigné ou étudié à l’École des Beaux-Arts, puis à l’UQAM. Elles ont été choisies par les commissaires de l’exposition, mais aussi par un groupe de collaborateurs et collaboratrices parmi lesquels se trouve asinnajaq, artiste, écrivaine et cinéaste, qui a présenté le corpus d’art inuit de la Collection. On note ainsi plusieurs gravures (1960-1965) provenant du fonds de l’atelier d’Albert Dumouchel, quelques signataires du Refus global (Marcel Barbeau, Pierre Gauvreau, Françoise Sullivan), un nombre important de signatures féminines, dont celle de l’étonnante Susan Duquet qui, dans Follyformes, datée de 1976, témoigne d’un usage visionnaire de l’écran cathodique. Ces œuvres illustrent les diverses époques et les principaux courants artistiques qui composent la collection de la Galerie. L’exposition nous a ainsi révélé une part peu connue de l’histoire, et même de la vie actuelle, de l’UQAM.