« Et si l’on regardait les incunables de McGill? » 

ÉLOGE DE LA BEAUTÉ

Jacinthe Martel

Photos 2-4, 6-8 et 11 : José E Igartua; photos 1, 5, 9 et 10 : Richard Bourhis

L’exposition présentée le 24 octobre 2024 s’inscrit dans le cadre du projet subventionné «Recherches sur les incunables enluminés et décorés conservés au Québec», dirigé par Brenda Dunn-Lardeau (professeure associée, Études littéraires, UQAM), dont l’objectif est la mise au point d’un catalogue raisonné des incunables présents dans plusieurs collections : Université McGill (Livres rares et collections spéciales; Bibliothèque Osler de l’Histoire de la médecine), Université de Montréal, Musée de la civilisation, bibliothèque du séminaire de Québec, etc. La mise au point du catalogue repose sur un protocole de description qui s’attarde par exemple aux caractéristiques physiques des livres (format, filigranes, signatures, etc.). C’est également l’histoire des collections et la provenance des livres, l’attribution des armoiries peintes, la nature des reliures et l’ornementation qui doivent être décrites avec rigueur et minutie. Ce projet s’inscrit dans la foulée des travaux qui ont mené à la publication, sous la direction de Brenda Dunn-Lardeau, du Catalogue raisonné des Livres d’Heures conservés au Québec (Presses de l’Université du Québec, 2018).

Les dix-sept incunables imprimés entre 1470 et 1494 qui ont été présentés (livres complets ou feuillets détachés) appartiennent à la collection des Livres rares et collections spéciales de McGill, qui comporte environ 200 incunables (livres imprimés entre 1454 et 1500) provenant principalement d’Allemagne et d’Italie. L’exposition, organisée par Brenda Dunn-Lardeau, proposait cinq ateliers animés par les chercheurs de son équipe: Helena Kogen (chargée de cours, Études littéraires, UQAM), Marco de Petrillo (bibliothécaire, bibliothèque Fraser-Hickson) et Richard Virr (ancien conservateur en chef, Livres rares et collections spéciales de McGill). Ann Marie Holland (conservatrice des incunables des Livres rares et collections spéciales de McGill) animait également un atelier. Si nous avons pu admirer l’extraordinaire beauté des incunables, c’est grâce à la passion de ces chercheurs, au format original de l’exposition, qui nous permettait de nous déplacer d’un atelier à l’autre sans parcours préétabli, et à la surprenante présentation des livres qui n’étaient pas placés sous vitrines.

Trois incunables sont d’abord présentés ici, dont une pièce exceptionnelle, soit un folio détaché de la Bible de Gutenberg (Bible à 42 lignes, Mayence, 1454, figure 1), qui compte deux volumes totalisant 1282 pages, dont le fameux site Gutenberg Digital (gutenbergdigital.de) propose un exemplaire numérisé complet. Ce « fragment noble » est conservé dans la voûte des Livres rares.

Figure 1

Deux autres livres illustrent la très grande richesse et la diversité de la collection. Il s’agit de deux exemplaires d’un même ouvrage de Pline publiés à Venise : l’Historia naturalis imprimé en 1472 par Nicolas Jenson (conservé dans la voûte) et le Naturalis historia, qui date de 1483, dont l’imprimeur est Reynaldus de Novimagio. Les marges du premier sont fort joliment enluminées (sur trois côtés) et on remarque la présence d’une très belle lettrine historiée (figure 2).

Figure 2

Par ailleurs, sans doute à cause du format du livre, le bas de la page a été coupé par le relieur qui a ainsi rogné l’illustration de la marge. L’exemplaire de 1483 possède quant à lui un très bel ex-libris armorié (peint et enluminé) qui a permis de connaître le propriétaire du livre et de le dater (figure 3); les lettrines ou initiales sont ici plus sobrement décorées de rouge.

Figure 3

Au bas de la page de droite, on remarque la signature du cahier relié par l’imprimeur (aa i ii). Il nous reste à souhaiter que les incunables d’autres collections fassent l’objet d’expositions qui proposeront à leur tour ce qui m’a semblé être un véritable éloge de la beauté.

Je tiens à remercier José E. Igartua et Richard Bourhis pour leurs photos et Brenda Dunn-Lardeau qui m’a entre autres permis d’identifier avec précision les livres de l’exposition.

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Les huit incunables suivants (figures 4 à 11) faisaient également partie de l’exposition; les références bibliographiques sont suivies de brèves descriptions concernant quelques-unes de leurs caractéristiques.

Figure 4

Liber Chronicarum, original en latin du Nuremberg Chronicle, Nuremberg, Anton Koberger, 1493. À gauche, un folio détaché qui a été restauré.

Figure 5

Gravure sur bois, décorée à l’aquarelle, qui orne un folio détaché de la version allemande du Liber Chronicorum.

Figure 6

Augustinus, Sermones, Bâle, Johann Amerbach, 1495. Un feuillet non identifié a été collé pour solidifier le livre.

Figure 7

Augustinus, Sermones, Bâle, Johann Amerbach, 1495. Un autre feuillet a été collé tête-bêche à la fin du livre.

Figure 8

Johannes Marchesinus, Mammotrectus super Bibliam (1487). Le colophon est suivi d’un ex-libris manuscrit.

Figure 9

Pline, Naturalis historia, Venise, Reynaldus de Novimagio, 1483. Ex-libris armorié. Voir aussi la figure 3.

Figure 10

Pline, Historia naturalis, Venise, Nicolas Jenson,1472. Lettrine enluminée. Voir aussi la figure 2.

Figure 11

Lucius Coelius Lactantius, Opera, Venise, Johannes de Colonia et Johannes Manthen, 1478. Lettrine ornée et marges abondamment décorées.